EUROPEANA
Une brève histoire du 20ème siècle d’après Patrick Ourednik
«Et ils prônaient un nouvel art absolu en harmonie avec la nature et disaient que l’art n’était pas une affaire esthétique mais biologique et que l’art le plus absolu était la danse parce qu’elle était primordiale et pouvait susciter l’apparition d’un nouvel ordre social…» Europeana p. 93
«…dans les années cinquante les héros de films s’accouplaient surtout dans des champs de blé parce que les champs de blé respiraient la jeunesse et la vie nouvelle qui attendait les jeunes héros et le vent échevelait les épis de blé le soleil se couchait lentement et les seins des femmes se gonflaient.» Europeana p. 64
«…et que si l’Europe était en décadence il fallait la préserver de la décomposition totale car ce serait une grande erreur de laisser l’Europe en décadence jusqu’à sa complète décomposition. Et qu’il fallait débarrasser l’Europe de ceux qui n’apportaient rien de positif: des Tziganes des Slaves des homosexuels des aliénés etc. Mais surtout des Juifs qui eux cherchaient à la souiller. Et en Allemagne et dans les pays occupés ils organisaient des rafles de juifs et les déportaient dans des camps de concentration.»
Europeana p. 35
Europeana est un texte-fleuve. Il coule sans ponctuation. Le «et» envahit l’espace du récit. Flux et reflux. Les événements hétéroclites de l’histoire se confrontent et se marient dans une atmosphère insolite, scandaleuse, drôle, caustique. Le 20e siècle, si près, si loin, déjà presque mythique. Etrange théâtre dont le personnage principal est en fait la multitude, l’espèce humaine. Car il est désormais bien établi que les hommes font leur propre histoire.
En cours de travail, un ange est arrivé sans crier gare : l’Ange de l’Histoire. Spectateur léger, présent et invisible, il passe et observe ce siècle chargé de tout ce qu’on pouvait fabriquer de pire et de plus innovant. Un seul homme voit l’Ange, le cherche, le perd, le retrouve, le perd à nouveau. Les ailes de l’Ange, lumineuses et hautes au début du spectacle, vont se rétrécir. Il finira par les perdre. L’homme tentera à la fin de le faire voler quand même. Y parviendra-t-il ? Le 21e siècle, peut-être, nous le dira. Mais attention ! Englué dans la bêtise humaine comme l’oiseau dans la marée noire, l’Ange pourra-t-il encore voler ?
Avec le soutien du Département de l’Instruction Publique du Canton de Genève, du Département de la Culture de la Ville de Genève, de la Loterie Romande, de Ernst Göhner Stiftung et de Sophie und Karl Binding Stiftung.